Le tout premier syndicat belge , le Syndicat unifié du Livre et du Papier, fut fondé en 1842.
Aujourd’hui en ce début de 21ème siècle il n’est pas évident d’être syndicaliste et il y a même parfois de quoi avoir le vertige.
A Anvers comme à Liège des dirigeants et des militants sont condamnés par les tribunaux pour « entrave méchante à la circulation ». Peu après lorsque des policiers occupent eux aussi la voie publique, rien. Etrange sensation que certains manifestants sont plus égaux que d’autres.
Les caisses de chômage créées par les syndicats et strictement contrôlées par l’ONEM sont dénoncées comme source d’enrichissement. On répand la rumeur selon laquelle sous l’influence syndicale les organismes de formation professionnelle (gérés paritairement avec les employeurs),inciteraient les demandeurs d’emploi à se complaire dans l’inactivité. Une diffamation qui ne dit pas son nom.
La négociation salariale est cadenassée par une loi alors que les écarts entre les revenus financiers et les revenus du travail se creusent, que les riches deviennent plus riches, les pauvres plus pauvres.
La pandémie trouble à son tour le champ des relations sociales en accentuant le sous-effectif des travailleurs de la santé, déjà criant en raison d’un sous-financement structurel et de l’effet conjoncturel du passage des études d’infirmier(e) de trois à quatre ans.
L’ubérisation menace le droit du travail et la sécurité sociale, divise et exploite les travailleurs , y compris en abusant de la détresse des sans-papiers.
Avec les journalistes et les juges, les syndicats sont aussi devenus la bête noire de l’extrême-droite et de sa « guerre culturelle ».
Vraiment pourquoi donc être encore syndicaliste ? Le rapport des forces n’a rien de réjouissant.
Et pourtant.
L’indexation des salaires tient bon, défendue pied à pied depuis les années 1980. Exception heureuse dans un contexte européen où les revenus du travail n’ont vraiment pas la cote.
Le mouvement syndical, de façon multiple et diverse, évolue, bouge, intègre progressivement de nouveaux enjeux interprofessionnels comme ceux de l’environnement, du climat. Avec sans doute des débats internes difficiles à prévoir dans le secteur de l’énergie.
Les coursiers à vélo, les nettoyeuses des titres-services, les travailleurs de la grande distribution, trouvent le mouvement syndical à leurs côtés, bénéficient de l’empathie des clients des entreprises concernées, et gagnent (durement) de meilleures conditions de travail.
La lutte contre le racisme et l’extrême-droite reçoit un soutien ferme et constant du mouvement syndical. C’est d’ailleurs en son sein que les travailleurs immigrés ont obtenu leur premier droit de vote , aux élections des CPPT et Conseils d’entreprise.
Ce qui est en parfaite cohérence avec son essence même : ce n’est pas un lobby, c’est un mouvement, où l’on débat, où l’on donne des mandats de négociations et où les accords obtenus doivent être validés. Une démocratie vivante qui a tenu bon, contre vents et marées. Où les dirigeants ne peuvent pas vraiment se permettre de mener constamment des jeux d’ego surdimensionné comme dans certains partis politiques.
Tout va-t-il pour le mieux pour autant dans le syndicalisme ? Pas vraiment :plus que la traditionnelle rivalité entre les grands syndicats interprofessionnels, c’est le poison sous-nationaliste et son récent allié le virus antivax qui peut y faire des dégâts. C’est là que réside le premier péril et c’est là que tout se joue. Comme me le disait il y a quelque temps une dirigeante syndicale : la solidarité çà se construit. C’est comme la justice sociale : rien n’est jamais acquis, tout doit être gagné, patiemment mais inlassablement.
En ce sens le mouvement syndical vivant est un véritable plus pour notre démocratie.
Comme citoyens ne l’oublions pas ce 6 décembre lorsque les manifestations syndicales défileront.
Au terme de ce billet, écoute conseillée du Blues du syndicat écrit en 1941 par le chanteur américain Woody Guthrie et revisité en 1978 par le chanteur français François Béranger. Il n’a pas pris une ride. Blues parlé du syndicat – YouTube